Le mandat apparent

Vous êtes conseiller municipal et le maire de votre commune a passé divers contrats avec des tiers sans même en avertir le conseil municipal. Vous vous demandez ce que valent ces contrats.

L’affaire est délicate dans la mesure où il s’agit de contrats de droit privé et que le litige éventuel relèvera de l’ordre judiciaire. Car en effet, dans un arrêt en date du 28 juin 2005 la Cour de cassation (première chambre civile) a agrée en ce domaine la théorie du mandat apparent, protectrice du tiers de bonne foi.

En l’occurrence il s’agissait de contrats de location de meubles passés avec une société par le maire, sans que le conseil l’en ait autorisé par une délibération. Lorsque, la commune ayant cessé de verser les loyers, la société lui demanda la résiliation du contrat et le versement de dommages et intérêts, elle invoqua la nullité des contrats. Elle perdit devant les juges du fond et se pourvut en cassation. La dispute portait donc sur la validité de contrats passés par un maire sans autorisation du conseil municipal. La municipalité prétendait qu’ils étaient nuls, le maire n’ayant pas la capacité de les conclure. Ce contre quoi la société invoquait la théorie du mandat apparent. Mais la municipalité prétendait à son tour cette théorie « non applicable en pareil cas ».

La Cour de cassation tranchât en faveur de la société, estimant qu’un maire pouvait engager la commune en vertu d’un mandat apparent. Elle en appliqua donc la formule, classique depuis 1962 (Ass. plén., 13 décembre 1962, D. 1963.277 note J. Calais-Auloy ; JCP 1963.II.13105, note P. Esmein ; MM. Capitant, Terré et Lequette, Les grands arrêts de la jurisprudence civile, Paris, Dalloz, 11ème éd. 2000, tome 2, n°267), au cas du maire : « malgré l’absence de délibération du conseil municipal, une commune peut être engagée par son maire qui a passé des contrats de droit privé au nom de celle-ci si la croyance du tiers à l’étendue des pouvoirs du mandataire est légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisent le tiers à ne pas vérifier les limites exactes du pouvoir ».

Peut-être cet arrêt ne fait-il que consacrer l’application du mandat apparent dans le domaine des pouvoirs du maire. Mais nous pensons que, comme la fiction, comme la fraude, l’apparence est une théorie suffisamment obscure pour mériter que l’on y regarde de plus près. La théorie de l’apparence n’est jamais qu’une construction doctrinale et jurisprudentielle. Que ce soit dans cet arrêt de 2005 ou dans d’autres cas, comme dans celui qui nous intéresse, cette théorie gagnerait à être envisagée au regard de la distinction de l’autorisation et de la procuration. Nous pensons plus précisément à la formule « l’étendue des pouvoirs du mandataire », et au caractère légitime de la croyance. Dès lors, un examen plus attentif des circonstances pourrait faire que les solutions en vigueur soient reconsidérées.

Notre hypothèse est la suivante. La théorie du mandat apparent n’a pas pour objet de pallier à l’absence totale de procuration, elle suppose au contraire un mandataire réel, mais, de manière plus restreinte, hormis certains cas particuliers dons nous ne discuterons pas ici, elle vise à passer outre le défaut d’autorisation du mandataire par le mandant.

Dernière modification de la page le 19.10.2015 à 21:50